Nos enfants adolescents et les réseaux sociaux

Les adolescents et les jeunes ont tous, sauf rares exceptions, accès à l’internet et… aux réseaux sociaux.
C’est en tant que psychologue particulièrement intéressé aux questions adolescentes qu’Alban Benoit, aborde le sujet et nous propose quelques réflexions.

Premier constat : Nous observons qu’il existe une différence radicale – au moins sur le plan psychique – entre l’enfance et les âges de la vie postérieurs à la puberté. Autrement dit, les choses ne se jouent plus de la même manière - psychologiquement, socialement et physiquement – une fois que l’enfant devient un adolescent.
Seconde remarque : Facebook (Fb), bien qu’obsolète du point de vue d’un certain nombre d’ados, constitue l’archétype du « réseau social ». Notons d’emblée qu’en France, l’âge minimum légal pour ouvrir un compte Fb est de 13 ans.
Aussi nous nous attacherons à discuter plus spécifiquement des enjeux qui concernent les adolescents et leur fréquentation de ces espaces numériques.
Alors que chez les adolescents le taux d’équipement de mobile et/ou d’ordinateur ayant accès à l’internet avoisine les 99%, il convient en effet de se demander ce qu’ils y vivent. Ce faisant, nous nous garderons de porter un jugement moral du type « est-ce bon ou mauvais ? ». Pour éviter cet écueil, je propose de penser cette affaire de réseaux sociaux dans une perspective anthropologique et de les envisager comme des outils, créés par l’homme.

Les anthropologues nous apprennent que les hommes ont toujours inventé et construit des outils pour rendre moins pénibles certaines tâches, du marteau (ou son ancêtre en silex) jusqu’à l’ordinateur. Cela participe du processus d’hominisation : ça nous caractérise en tant qu’humains. Ces chercheurs ajoutent que chaque outil nouvellement inventé apporte son lot de contraintes ET de responsabilités. En d’autres termes, utiliser des outils suppose une prise de responsabilité : un outil n’est ni bon, ni mauvais, ni gentil, ni méchant ; ça dépend de la personne qui l’utilise.

Revenons-en à nos ados. La question se décale donc un peu de l’outil (ordi, téléphone, tablette…) et de ses caractéristiques techniques vers celle de la responsabilité de son utilisateur et pourrait être formulée ainsi : comment l’adolescent va pouvoir mettre en jeu sa capacité à se sentir responsable en utilisant les espaces numériques ? Alors d’emblée, il n’en sera probablement pas pleinement capable... Cela est plus le fruit d’une construction, d’un cheminement, qui s’enseignent et s’acquièrent progressivement. Cela suppose d’être prévenu des spécificités d’internet (on n’y est pas anonyme malgré les apparences par exemple…). C’est là l’objet de la « prévention », à la maison et/ou à l’école : ce qu’on peut faire et ne pas faire « online », les dangers auxquels on peut être exposés, le contenu inapproprié auquel on peut être confronté, etc.
Quoi qu’il en soit, l’adolescent pourra investir ces espaces avec ce qu’il est et donc toujours d’une manière nouvelle et qui lui est propre. Là comme ailleurs dans l’espace public, il va prendre des risques, il va essayer, se tromper, recommencer, il va provoquer l’autre, l’adulte, l’autorité, bref il va vivre sa vie d’adolescent et expérimenter le monde avec ses compétences nouvellement apparues lors du déclenchement pubertaire. Tour à tour, internet et les réseaux sociaux pourront donc constituer des points d’appuis tout à fait bénéfiques et des impasses inquiétantes dans ce travail de construction identitaire qui occupe l’ado.

Dans le cas où ce qu’un adolescent vit en ligne est inquiétant, le risque majeur, à mon sens, serait de ne chercher la cause que du côté d’internet, du réseau social, de l’outil et de ne pas s’interroger sur l’adolescent lui-même et de passer à côté d’une souffrance jusque-là silencieuse.

Alban BENOIT
Psychologue clinicien, service Pasaj, association Parentel

Article - Juin 2017